Hôpital : l’épidémie médiatique
Publié le 06/01/2009
Paris, le mardi 6 janvier 2009 – S’il est une spirale infernale qui touche aujourd’hui assurément l’hôpital public, c’est plus certainement encore que le manque de moyens ou les dysfonctionnements internes, l’épidémie médiatique. Cette flambée s’observe fréquemment de nos jours : la présentation par les chaînes de télévision et de radio d’un drame apparemment symbolique entraîne inévitablement dans les jours qui viennent la multiplication d’accidents similaires. Ainsi, si l’on peut retenir le diagnostic de dramatique coïncidence face à la mort du jeune Yliès victime d’une erreur médicale le 24 décembre et celle de Louis-Joseph qui a succombé à un surdosage le 2 janvier, on peut se demander si le syndrome d’épidémie médiatique n’est pas en cause face à plusieurs autres signalements. Au cours des quinze derniers jours ont en effet également été rapportées plusieurs affaires mettant en cause une insuffisance de prise en charge (lié à des pénuries d’effectifs et de lits) voire des défauts de soins. Ainsi, le décès d’un homme de 57 ans pour lequel n’a pu être trouvé un lit de réanimation qu’après six heures de prise en charge par le Samu a fait couler beaucoup d’encre. Oubliant la spécificité de l’état de santé de ce malade, certains considéreront peut-être qu’il fait écho au cas révélé hier. A Metz, une femme de 82 ans, souffrant de déshydratation, d’insuffisance cardiaque, rénale et respiratoire arrive en ambulance aux urgences de l’hôpital Bon-Secours samedi 3 janvier. Les secours ont été appelés par la maison de retraite où vit la vieille dame. Selon le fils de la patiente, elle aurait attendu pendant huit heures sur un brancard dans un couloir du service des urgences, avant qu’il ne soit médicalement décidé de la renvoyer dans sa maison de retraite, où elle est morte le lendemain dans l’après-midi. Le fils de la patiente assure que l’engorgement du service est à l’origine de cette situation : il indique avoir appelé le standard des urgences qui lui aurait répondu « qu’il y avait trop de demandes et qu’on ne pouvait rien faire ». En association avec l’Union des familles laïques de la Moselle, une plainte a été déposée contre X pour non assistance à personne en danger. La version de l’hôpital est pourtant totalement différente. Niant un manque de moyens ce jour là, la direction a précisé que « la patiente, envoyée aux urgences par un médecin gériatre de la maison de retraite de Metz-Queuleu a été examinée par un médecin qui a prescrit les examens biologiques et radiologiques nécessaires à sa prise en charge ». Dès réception des résultats trois heures quarante cinq après l’arrivée de la patiente, une adaptation de son traitement a été décidée et le retour dans sa maison de retraite a été organisé selon l’établissement. Du côté de la maison de retraite on exclut également un défaut de prise en charge.
Soignants et familles ne voient pas la même chose
La lumière médiatique sur le décès de cette octogénaire renvoie à une autre plainte déposée après le décès d’une femme de 85 ans à l’hôpital Salpêtrière le 26 décembre. Hospitalisée pour des troubles du sommeil le 23 décembre, la patiente est morte trois jours plus tard dans le service de réanimation pneumologique, où elle avait été admise après s’être étouffée en prenant son repas. La famille a souhaité pointer du doigt ce qu’elle considère comme des dysfonctionnements et notamment l’absence de médecin de garde, l’inaccessibilité du matériel de réanimation (rangé dans un placard fermé à clé) et l’intervention tardive, selon elle, du médecin réanimateur. Elle a également assuré que les infirmières avaient modifié sur le rapport final les horaires d’intervention. Fermé entre le 24 décembre et le 5 janvier, le service dédié aux pathologies du sommeil n’a encore que peu commenté ce dossier mais a cependant indiqué que « le réanimateur est intervenu avec son matériel, cinq minutes après l’appel des infirmières et, selon le dossier, un quart d’heure après l’incident ». Manifestement, qu’il s’agisse de l’octogénaire de Metz ou de celle hospitalisée à la Pitié-Salpêtrière, patients et médecins ont bien du mal à s’accorder sur les modalités de prise en charge des malades les plus vulnérables. Un même phénomène (encore !) a été observé à Bastia. Un couple dont la naissance du second enfant était programmé par césarienne le 29 décembre a porté plainte contre l’hôpital de Bastia auquel il reproche d’avoir pratiqué trop tardivement l’intervention lorsque la mère a été admise aux urgences le 22 décembre, soit sept jours avant la date initialement prévue. La colère de la famille est liée au décès le 29 décembre de la petite fille à l’hôpital l’Archet de Nice où elle avait dû être transférée en urgence peu après sa naissance. L’hôpital a cependant souligné : « dans la mesure où l'accouchement s'est spontanément déclenché, tous les actes de diagnostics ayant été effectués, notamment une radio du bassin qui s'est avérée tout à fait normale, un essai d'accouchement par voie base a été réalisé, conformément au protocole national en vigueur » et a précisé : « En fonction des premiers éléments connus et des explications fournies par l'équipe médicale, il apparaît que Mme P. aurait été victime d'une rupture utérine ».
Contentieux
Outre l’emballement médiatique, qui permet de supposer que des décès similaires sont peut-être, dans d’autres circonstances, laissés dans l’ignorance, ces différentes affaires mettent en évidence une multiplication des contentieux médicaux et peut-être aussi le refus de plus en plus vif des familles d’admettre la non infaillibilité du corps médical ou même l’inéluctabilité de la mort.
A.H.