FAITS DIVERS et HANDICAP

Faux handicapés, vrais escrocs

Edition France Soir du samedi 31 octobre 2009 page 9

De notre correspondant à Limoges, Julien Moro, le samedi 31 octobre 2009
Le tribunal correctionnel de Limoges a condamné une jeune Roumaine qui simulait une surdité afin de collecter des fonds pour construire un centre international pour les handicapés. Une escroquerie aux bons sentiments qui s’étend à de très nombreuses autres villes françaises.

Cette fois, le groupe de quatre Roumains, trois mineurs encadrés par une jeune femme de 19 ans, n’a pas réussi à passer au travers des mailles du filet policier. Le 4 mai dernier, alors qu’ils mendiaient dans les rues du centre-ville de Limoges, ils ont croisé la route de Davy Lacroix et de Sophie Vouzelaud. Le premier préside la maison des sourds de la Haute-Vienne, la seconde est la 1re dauphine de Miss France 2007, également malentendante, qui a fortement contribué à médiatiser la cause des sourds et malentendants.
Un simple coup d’œil sur la feuille présentée par les mendiants a suffi pour découvrir la supercherie : « les logos étaient grossièrement imités et surtout, aucun projet de construction de centre européen n’est prévu, encore moins avec des fonds collectés par notre association ». Davy Lacroix décide donc de prévenir la police qui, rapidement, interpelle le groupe. Et Davy Lacroix d’assurer que ces pratiques ont commencé en 2004 : « Au début, il s’agissait d’opérations ponctuelles, mais au fil du temps, la filière s’est organisée et les équipes se sont renforcées. Aujourd’hui, de plus en plus de villes sont touchées. »

Centraliser les affaires

D’autres cas ont effectivement été signalés à Brive, Reims, Rouen ou encore dans les couloirs de l’aéroport Roissy Charles-de-Gaulle où plus d’une vingtaine de groupes similaires ont été recensés. Pourtant, ces derniers continuent à escroquer les passagers en toute impunité. Selon les estimations, chaque collecte rapporte, en moyenne, 150 € par individu.
« Une conseillère municipale de Limoges a même été victime de cette escroquerie », insiste Davy Lacroix, qui dénonce l’impact désastreux sur l’image et la réputation des associations reconnues, celles qui œuvrent réellement en faveur des handicapés. L’enquête a permis de confirmer que ce filon juteux attisait la convoitise de nombreux groupes malhonnêtes, généralement originaires de la région parisienne, comme c’était le cas des quatre interpellés, qui avaient acheté la feuille contrefaite auprès d’un revendeur de Saint-Denis pour 15 euros.

Consciente que la jeune roumaine ne serait pas présente lors du procès, Karine Blank, le substitut du procureur, a cependant invité le tribunal à la condamner à deux mois de prison avec sursis, « car elle n’a pas d’antécédents judiciaires, ce qui ne sera plus le cas après ce jugement. En cas de récidive, nous pourrons ainsi alourdir les poursuites ».
Le tribunal l’a entendue et a prononcé cette condamnation. Il a aussi accordé 500 euros de dommages et intérêts à la maison des sourds de la Haute-Vienne. Mais pour Davy Lacroix, il est surtout urgent que toutes ces petites escroqueries locales soient désormais centralisées par un même service judiciaire, afin de remonter la filière de cette escroquerie aux bons sentiments.