63ème Congrès de l’American Epilepsy Society
Au delà de l’épilepsie
Du 04/12/2009 au 08/12/2009-Boston (Etats-Unis)
Le 63ème Congrès de l’American Epilepsy Society s’est déroulé à Boston du 4 au 8 décembre 2009.
De nombreuses présentations étaient consacrées à des travaux de recherche fondamentale sur la physiopathologie de cette affection, et notamment sur la relation entre inflammation et épilepsie.
Au delà de l’épilepsie, différentes communications ont également traité des comorbidités psychiatriques dont la prise en charge reste essentielle pour améliorer la qualité de vie, les relations familiale et sociale, et chez l’enfant, les performances scolaires.
Illustration : saint Valentin (saint patron des épileptiques) guérissant un épileptique, anonyme, début du XVIe siècle
ACTUALITE CONGRESPour améliorer le patient : lui montrer sa crise !Publié le 26/02/2010 La caractéristique d’une crise épileptique est de survenir de façon imprévue. Dans de très nombreux cas, le patient perd conscience et c’est alors son entourage qui fait la description de la crise. Les patients n’ont donc connaissance de leurs symptômes qu’à travers la description relatée par leur entourage. Les réactions des patients sont variables, anxiété, dépression ou phobie, et très peu acceptent la réalité.
Une étude menée chez 25 patients présentée lors du congrès a montré qu’il existait une amélioration neuropsychologique des patients quand on leur montrait leur crise, particulièrement dans le cas de crises hypotoniques. Trois patients sur 4 ressentaient cette expérience comme positive et la recommandaient aux autres patients; soixante-douze pour cent des patients avaient des capacités relationnelles améliorées.
Cette démarche semble ainsi intéressante et pourrait diminuer les comorbidités telles que l’anxiété et la dépression.
Trop de crises épileptiques, ça fait mal au cœur : un lien pour les SUDEP ?
Les SUDEP (Sudden Unexpected Death in Epilepsy Patients) sont des causes non rares de mortalité chez les patients épileptiques. Cette question est devenue un vrai challenge en recherche clinique et fondamentale. Le faible taux d’autopsie a toujours été un frein pour les progrès des connaissances dans ce domaine.
Un travail sur un modèle animal présenté au congrès de l’American Epilepsy Society vient souligner certaines hypothèses physiopathologiques. Chez le rat épileptique pharmacorésistant, il a été montré que la répétition des crises entraîne des modifications de l’activité électrique du coeur pouvant conduire à un décès brutal. Chez ces animaux, il était également plus facile d’induire des troubles du rythme ventriculaire expérimentaux.
Inflammation et épilepsiePublié le 26/02/2010 Il existe une relation particulière entre inflammation et épilepsie. En effet, les crises d’épilepsie ou un état de mal épileptique provoquent, dans les modèles expérimentaux, une réaction inflammatoire. Mais d’autre part, l’inflammation semble favoriser la survenue de crises épileptiques. Les travaux de recherche fondamentale sur ce thème prennent une place de plus en plus importante et les liens qui sont découverts entre de nombreuses situations cliniques et leurs mécanismes ouvrent de nouvelles perspectives. Un des experts de cette thématique de recherche, le Dr Anna-Maria Vezzani de Milan, a été récompensée cette année pour l’ensemble de ces travaux.
Elle a mis en évidence le rôle de l’interleukine 1 (IL-1) comme proconvulsivant mais aussi comme facteur intervenant dans l’épileptogénèse (ensemble des phénomènes conduisant un cerveau à devenir épileptique). Les travaux menés sur des tissus humains venant de patients présentant une épilepsie du lobe temporal ou des dysplasies corticales suggèrent également un rôle central de l’IL-1 dans la survenue des crises. Par ailleurs cette même équipe du Dr AM Vezzani a réussi à bloquer l’épileptogénèse avec des médicaments qui inhibent le relargage de la forme active de l’IL-1. Ces éléments ouvrent des perspectives thérapeutiques sur la prise en charge de certaines situations comme les épilepsies pharmacorésistantes ou les événements pouvant déclencher une épileptogénèse, comme les crises fébriles prolongées ou les traumatismes crâniens.
La dépression est-elle vraiment une conséquence de l’épilepsie ?Publié le 01/03/2010 Chez les patients ayant une épilepsie, le diagnostic est le plus souvent synonyme de maladie chronique. Les patients épileptiques voient un certain nombre de leurs habitudes de vie se modifier, dans leur vie professionnelle comme dans leur vie personnelle. C’est pourquoi la recherche de comorbidités psychiatriques est un temps important de chaque consultation. C’est également un champ de recherche clinique et de recherche fondamentale.
Les études épidémiologiques ont depuis longtemps déjà bien établi la relation entre épilepsie et dépression et il était communément admis que la modification de la vie quotidienne, le caractère chronique de la maladie et ses conséquences sociales étaient à l’origine de ce type de comorbidités psychiatriques. Or ces dernières années, la recherche a modifié notre regard sur ce point. Il semblerait plutôt que des phénomènes neurobiologiques soient impliqués dans le développement de ces perturbations. Inversement, des études épidémiologiques ont montré que les patients aux antécédents de dépression avaient un risque plus important de développer une épilepsie. Des études effectuées chez l’animal semblent confirmer cette hypothèse avec des tests comportementaux suggérant l’existence d’une dépression avant l’apparition des crises dans certains modèles d’épilepsie. Ce sont surtout les travaux d’Andrey Mazarati qui ont clairement mis en évidence le rôle de l’épileptogénèse dans la mise en place des bases neurobiologiques favorisant la dépression.
Déficit en transport de glucose : une cause d’épilepsie idiopathique ? Publié le 01/03/2010 Au cours de l’année 2009, un article publié dans Annals of Neurology par deux équipes belge et australienne rapportait les cas de plusieurs patients atteints d’une épilepsie absence à début précoce qui se révélait être secondaire à une anomalie du transporteur du glucose de la barrière hématoencéphalique Glut1. Le déficit en transporteur du glucose se caractérise en général par une atteinte neurologique précoce se manifestant entre autre par une épilepsie pharmacorésistante ne ressemblant à aucun syndrome épileptique connu.
Dans cette nouvelle étude, deux familles avec mutations sur le gène codant pour le transporteur du glucose (gène SLC2A1) ont été étudiées. Sur 24 membres étudiés, 14 étaient porteurs de la mutation. Une épilepsie était connue chez 12 d’entre eux dont 6 avaient également une dystonie induite par l’effort. Un seul individu présentait uniquement une dystonie induite et un autre des crises fébriles. Parmi les 12 patients atteints d’épilepsie, 8 présentaient une épilepsie généralisée idiopathique, 2 présentaient une épilepsie myoclonico-astatique et 2 présentaient une épilepsie focale. L’âge moyen de début de la maladie était 10 ans. Les absences étaient le type d’épilepsie le plus fréquent.
Les caractéristiques cliniques surprenantes pour un déficit en transporteur de glucose étaient un développement cognitif normal chez 11/14 patients et une réponse au traitement antiépileptique.
Ces données pourraient bouleverser notre pratique. Au vu des caractéristiques des patients décrits ici, il est évident que ce n’est pas chez eux que nous avons l’habitude de rechercher un déficit en transporteur de glucose. Il faudra savoir si ces données se confirment dans les épilepsies généralisées idiopathiques non familiales.
Quel risque suicidaire chez l’enfant avec une épilepsie ?Publié le 02/03/2010 Un rapport officiel de la FDA (food and drug agency) aux Etats-Unis avait mis en garde, en décembre 2008, sur le fait que les traitements anti-épileptiques augmentaient le risque d’idées suicidaires chez les patients épileptiques. Toutefois, on sait encore peu de choses sur les facteurs de risque de suicide chez les enfants épileptiques. C’est ainsi que l’équipe de Rochelle Caplan a voulu savoir si les idées suicidaires étaient en lien avec la fréquence des crises, les comorbidités psychiatriques, le niveau cognitif ou les traitements antiépileptiques.
Ils ont donc conduit une étude cas-témoin qui a inclus 177 enfants suivis pour épilepsie et 97 contrôles âgés de 6 à 14 ans. Tous les sujets de l’étude étaient évalués à l’aide de différentes échelles destinées à évaluer leur QI, leur degré d’anxiété ou de dépression. De plus, les parents complétaient des échelles de comportement sur leur enfant.
Vingt pour cent (n=36) des enfants épileptiques rapportaient avoir déjà eu des idées suicidaires alors que ce chiffre n’était que de 8,26 % (n=8) chez les contrôles (p=0,0216). Un plan de suicide existait chez 11 des 36 patients avec épilepsie. Dans l’analyse multivariée, seule l’ancienneté de la maladie apparaissait comme un facteur de risque d’idées suicidaires. Par contre il n’y avait pas de corrélation avec la fréquence des crises ou la prise de médicaments.
Et enfin chez les patients avec risque suicidaire, on retrouvait plus fréquemment des comorbidités psychiatriques (anxiété, problèmes sociaux, problème de comportement, trouble de l’attention,…).
Les idées suicidaires existent bien chez l’enfant avec une épilepsie mais ne sont pas en lien avec les traitements contrairement aux alertes émises par la FDA.
Les données de cette étude montrent qu’il est possible d’identifier ces patients, notamment par l’ancienneté de la maladie. Les parents rapportent également que leur enfant présente plus de difficultés comportementales ou émotionnelles. Etant donné, le risque chez ces patients, il est fondamental de les dépister et de les prendre en charge par un traitement adapté.
Qualité de vie et comorbidités dans les épilepsies pédiatriquesPublié le 02/03/2010 Un des enjeux majeur de la prise en charge des épilepsies non résistantes au traitement est l’obtention d’une vie et d’une qualité de vie les plus proches de celles de la population générale. Cela prend tout son importance à un moment crucial de la vie qu’est l’enfance.
Au cours du 63ème congrès de l’American Epilepsy Society, 2 études ont montré qu’il était important de proposer des soins optimaux afin que les enfants épileptiques puissent avoir une qualité de vie normale. La première étude a été conduite au Canada auprès de 374 familles de patients avec une épilepsie récemment diagnostiquée. Cinquante-trois neuropédiatres suivaient ces enfants. Les scores de qualité de vie étaient les plus bas chez les enfants juste après le diagnostic mais avec le temps ces scores de qualité de vie redevenaient comparables à ceux retrouves pour des enfants en bonne santé.
Une étude de l’équipe de Cleveland (épilepsie et chirurgie de l’épilepsie) a étudié chez 83 enfants et adolescents la fréquence des troubles psychiatriques. Les troubles anxieux étaient observés chez 48 % des patients, un trouble attentionnel avec hyperactivité dans 33 % des cas, un trouble de l’humeur chez 15 % des patients et des traits autistiques chez 15% des patients. Pour certains, le trouble avait été évoqué ou diagnostiqué au préalable sans qu’il y ait eu de prise en charge.
La prise en charge des comorbidités psychiatriques chez les enfants épileptiques améliore la qualité de vie, les performances scolaires et les relations familiales. Les médecins sont réticents à utiliser des traitements psychotropes dans cette population. Les auteurs suggèrent que la prise en charge de l’épilepsie de l’enfant devrait être pluridisciplinaires et devrait notamment intégrer un pédopsychiatre intervenant tant dans le dépistage et le diagnostic que dans la prise en charge.
Dr Stéphane Auvin
Le journal du JIM