Les sourds et malentendants veulent être entendus sur l'accessibilité
La Voix du Nord le 13 avril 2011
Yann Griset est malentendant. Jean-Pierre Dupont est sourd. Ils organisaient, hier, une journée d'information.
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À défaut d'entendre, ces citoyens aimeraient être entendus ! Hier, pour sa huitième édition, le Centre de formation à la langue des signes (CFLS), basé à Lille, a organisé une journée d'information à Armentières. Le thème : l'accès aux soins pour les personnes sourdes. Une trentaine d'élèves infirmiers étaient conviés. Rencontre avec Yann Griset, malentendant, et Jean-Pierre Dupont, sourd et responsable communication du CFLS. PAR MARIE-CAROLINE DEBAENE
armentieres@lavoixdunord.fr
« Si je suis dans une situation d'urgence, je ne peux pas appeler les secours », explique Jean-Pierre dans sa langue à lui. Celle des signes. Fanny, élève-interprète à Lille III, traduit le flot de paroles de ce Nieppois sexagénaire. Jean-Pierre Dupont est sourd depuis l'âge de 9 ans, comme ses parents, son épouse et l'un de ses quatre enfants. Comme lui, ils sont douze mille dans la région (sourds et malentendants) à se heurter aux obstacles des démarches administratives, entre autres. « Si je me rends au commissariat, dans une administration ou à la gare, je ne peux communiquer avec personne. Si je veux suivre le conseil municipal de ma ville, je ne peux pas non plus car il n'y a pas d'interprète. C'est très dur pour moi de m'engager quelque part. »
Accès aux soins
Depuis vingt ans, il se bat pour la promotion de la langue des signes et particulièrement dans les administrations ou encore les hôpitaux.
Les mains virevoltent : « Les professionnels ne sont pas obligés d'apprendre la langue. Ils peuvent avoir des réflexes de communication comme ne pas porter de masque pour que le sourd lise sur les lèvres ». Jean-Pierre aimerait être un citoyen comme les autres avec l'accès aux mêmes soins que les entendants. Il s'agace un peu : « Je paye des impôts et je vote comme tout le monde mais nous sommes toujours oubliés ». Pour lui, son handicap est le plus mal connu car il ne se voit pas. « Dans la rue, les personnes qui s'adressent à moi pensent que je suis fou. Ma voix n'est pas fixe. Si j'essaie de parler, ma voix fait peur. » Yann Griset, 27 ans, originaire d'Armentières, vit depuis quelques années à Lille. Il parle sans réelles difficultés. En tête à tête, il répond du tac au tac. « Je suis malentendant. Il y a six ans, une otite a mal tourné. Une oreille est morte, l'autre est appareillée. Je lis sur vos lèvres pour vous comprendre. » Yann est président de l'Association des devenus sourds et malentendants du Nord, située à Lille. Depuis cet incident, ce documentaliste spécialisé web à l'école supérieure de commerce de Lille (SKEMA) a appris à développer d'autres aptitudes. « Je compense. J'ai un champ visuel plus large. C'est évidemment très fatiguant. Je ne peux parler qu'en tête à tête avec une personne. Lors de réunions de service, mes collègues parlent l'un après l'autre pour que je puisse suivre la conversation. » Si le jeune homme sait contourner les difficultés, il est obligé de suivre une conférence avec une boucle magnétique (*), de communiquer par mail ou par SMS. « Si je dois me rendre à la CAF, par exemple, et que l'on me dit de rappeler parce qu'il manque des informations, je ne peux pas. » Hier, le public d'élèves infirmiers a pris conscience de cette grande incompréhension. « Je n'y avais jamais vraiment pensé », confie une jeune femme. Les acteurs de cette journée espèrent que leur sensibilisation ne sera pas vaine. Jean-Pierre Dupont est optimiste. « On peut mettre en place des choses comme des SMS à envoyer aux secours. Il suffit juste de communiquer et d'être entendu. » •
(*) Système d'aide à l'écoute pour les malentendants porteurs d'un appareil auditif. La boucle capte le son émis par la source sonore et le transmet directement à l'appareil.