Parler avec les yeux : locked-in syndrome VIVRE AVEC UNE MALADIE RARE Auteur : Jérôme Parisse-Brassens
Traducteur : Trado Verso
Photos: Daniela The Friends of Daniela; oeil interconnects.blogspot.com; ALIS logo ALISLuigi Ferraro était le plus heureux des hommes : sa femme Daniela s’apprêtait à donner naissance à leur second enfant. Puis, sans prévenir, tout s’est écroulé. Cinq heures seulement après avoir accouché, Daniela a commencé à éprouver des maux de crâne avant d’entrer dans le coma.
« J’ai immédiatement paniqué, se souvient Luigi, parce que je ne comprenais pas du tout ce qui se passait, et les médecins non plus d’ailleurs. Quand ils ont identifié une hémorragie du tronc cérébral, ils l’ont transférée vers un autre hôpital, où elle a été opérée pour réparer les lésions causées par l’hémorragie. Les médecins m’ont dit qu’elle n’avait aucune chance de survie. Et pourtant si, elle a survécu, même si elle était dans ce qu’on croyait alors être un coma profond. Finalement, les médecins m’ont dit que ma femme devait quitter le service de soins intensifs et Daniela a été déplacée dans un autre établissement. Le personnel médical y était si peu professionnel que j’ai décidé de placer Daniela dans une meilleure institution. C’est là que j’ai réalisé intuitivement que Daniela était réveillée et pleinement consciente. » Réponse des médecins : « Vous êtes trop affecté. Vous refusez d’accepter la réalité. Votre femme est dans le coma. » Mais Luigi n’a pas abandonné et le personnel soignant n’a pas tardé à constater que Luigi avait raison. Daniela était consciente, même si elle ne pouvait bouger aucune partie de son corps ! Malheureusement, cela faisait cinq mois que Daniela avait accouché et un temps précieux avait été perdu. Enfin, le diagnostic était posé : Daniela avait le locked-in syndrome.
Le locked-in syndrome est une maladie neurologique rare, caractérisée par une paralysie complète de tous les muscles squelettiques à l’exception de ceux qui contrôlent les yeux. Il peut résulter d’un traumatisme crânien, d’affections du système circulatoire, de lésions de la gaine de myéline enveloppant les cellules nerveuses, ou encore d’une surdose médicamenteuse. Les personnes atteintes du locked-in syndrome sont conscientes. Elles peuvent penser et raisonner, mais sont incapables de parler ou de bouger. Aucun remède n’a été trouvé à ce jour et aucun traitement standard n’est appliqué.
« La vie est très difficile, confie Luigi Ferraro. Souvent, Daniela dit qu’elle veut mourir, que ce serait mieux si elle était vraiment dans le coma, qu’être consciente et prisonnière de son corps est une chose terrible... mais nous avons deux enfants qui la maintiennent en vie. Daniela communique avec nous en bougeant ses yeux vers le bas ou le haut. Jusqu’à présent, son état n’a montré aucun signe d’amélioration. Mon seul espoir repose dans la thérapie par les cellules souches. J’essaie de donner à ma femme et à mes deux enfants la meilleure vie possible en dépit des circonstances, et j’ai fondé une association (Les Amis de Daniela) pour aider les familles touchées par le syndrome. »
Une fédération européenne consacrée au locked-in syndrome est sur le point d’être créée. « L’idée nous est venue après avoir rencontré Luigi et son association, raconte Véronique Blandin, de l’association française ALIS. Les connaissances sur la maladie et la qualité des soins sont meilleures en France qu’elles ne le sont en Italie. Notre objectif est de donner aux gens atteints de cette maladie une raison de vivre. Nous voulons sensibiliser plus encore l’opinion publique à cette affection et améliorer la qualité des soins partout en Europe. »
« Lorsque l’un de vos proches tel que votre femme entre dans le coma, vous avez le sentiment d’être dans un tunnel, d’avancer dans le noir, sans savoir quoi faire..., poursuit Luigi. La vie est difficile, mais je continue à dire aux familles de ne jamais cesser d’aimer celui qui souffre du locked-in syndrome, de ne jamais le laisser dans un établissement médical dont le personnel serait insensible. Ils sont vivants et conscients, tout comme nous. Ils ont juste besoin d’amour. »