13/09/2010 23:00 Journal LA CROIX Les associations craignent de ne plus pouvoir remplir leur missionUne quarantaine d’organisations lancent mardi 14 septembre un appel à la mobilisation citoyenne contre les orientations sociales et budgétaires qui fragilisent les personnes qu’elles accompagnent
Les associations du champ sanitaire et social tirent mardi 14 septembre la sonnette d’alarme et n’ont pas choisi leur date au hasard. À deux jours de la présentation et de l’examen du budget 2011 de l’État devant le Parlement, une quarantaine d’organisations (1) représentant les familles, les handicapés, les patients, les exclus s’expriment aujourd’hui d’une seule voix. Dans une opération appelée « Investir sur la solidarité », elles dénoncent les orientations sociales et financières du gouvernement.
« Nous lançons cet appel car nous voulons réaffirmer la place des associations dans la société, précise Patrice Tripoteau, directeur du pôle « actions nationales » de l’Association des paralysés de France (APF). La solidarité n’est perçue que comme un coût, alors qu’il s’agit d’un investissement. Si le gouvernement continue sur sa lancée, nous ne pourrons bientôt plus continuer nos actions. Dans le cas de l’accompagnement des personnes en situation de handicap, un travailleur social qui donnait à manger à deux personnes hier devra s’occuper de quatre personnes demain. Il ne faut pas que l’assainissement budgétaire se transforme en un rabotage de la qualité des soins apportés aux personnes en difficulté. »
Selon Jean-Pierre Dubois, président de la Ligue des droits de l’homme (LDH), il s’agit globalement de pointer du doigt le mouvement de ciseaux dans lequel se trouvent aujourd’hui pris les exclus. « D’un côté, il y a la crise, qui a fait monter en flèche la précarité et en même temps le besoin de prise en charge, souligne-t-il. De l’autre, le démantèlement des services locaux de lutte contre l’exclusion, et les coupes dans les moyens alloués aux associations.
Sur le terrain, des milliers de personnes en situation d’abandon
L’urgence monte. Sur le terrain, ce sont des milliers de personnes en situation d’abandon. Avec la décentralisation des directions de l’action sociale, ce sont les trois quarts des moyens en argent et en personnel qui ont été supprimés, sans qu’il y ait eu de véritable relais. »
Même exaspération du côté des associations qui viennent en aide aux aînés. Joëlle Le Gall, présidente de la Fédération nationale des associations de personnes âgées et de leurs familles (Fnapaef), constate que son secteur n’a plus aujourd’hui les moyens de s’occuper convenablement des personnes âgées en perte d’autonomie.
« Si de nouvelles réductions budgétaires ont encore lieu, on risque de ne plus pouvoir s’occuper d’elles du tout ! s’inquiète-t-elle. Si l’État s’obstine à réduire sa contribution à nos actions, on ne s’en sortira jamais. On ne peut pas avoir d’un côté une population vieillissante qui s’accroît et de l’autre un budget qui rétrécit. »
Cinq millions de patients sans complémentaire de santé
Vigilant sur la couverture des risques liés à la maladie, Christian Saout, président du Collectif inter associatif sur la santé, a lui aussi décidé de rejoindre le mouvement de protestation. « Aujourd’hui, la France compte cinq millions de patients sans complémentaire de santé, alors que le reste à charge après remboursement est le plus élevé d’Europe, s’indigne-t-il. La couverture maladie universelle a certes permis de mettre à l’abri les plus pauvres. Mais une famille avec deux enfants, pour des soins courants, n’est remboursée que pour moitié. Nous demandons un débat national pour savoir si réellement les Français veulent d’un système de santé à l’américaine, avec des traitements différents selon le niveau de ressource de ses citoyens. »
Le collectif « Investir sur la solidarité » veut aujourd’hui se faire entendre du gouvernement pour préserver les moyens de l’action sociale. Il compte aussi sur la mobilisation de chacun en lançant une pétition en ligne (www.investirsurlasolidarite.org).
Jean-Baptiste FRANÇOIS et Martin WEILL (1) Dont l’Association des paralysés de France (APF), l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés sanitaires et sociaux (Uniopss), la Fnath, association des accidentés de la vie, l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles), la Fédération nationale pour l’insertion des personnes sourdes et des personnes aveugles en France (Fisaf), etc.